25 novembre 2024

Le taux de mortalité maternelle et infantile est très élevé dans les régions du Sud Est du Sénégal contrairement à la capitale. Pour pallier ce fléau, accentué par la non praticabilité des routes, la réticence des familles à rejoindre des structures de santé pour l’accouchement, plusieurs stratégies sont mises en place pour lutter contre les décès. Il s’agit de l’école des maris mais aussi des maisons d’accueil pour femmes enceintes en situation d’urgence.

 La lutte contre la mortalité maternelle et néonatale est une réalité dans le Sud-Est du pays. La communauté s’implique dans la lutte pour venir en appui aux structures de santé. Si plusieurs facteurs sont la cause de cette mortalité dont l’état désastreux de certaines pistes qui n’encourage pas la fréquentation des femmes enceintes dans les structures de santé, des stratégies sont mises en œuvre pour les contrecarrer. A Tambacounda, ce sont les hommes qui encouragent les femmes à s’y rendre, ces derniers les transportent par les moyens dont ils disposent à savoir charrettes, ânes et autres dans les structures de santé. Une expérience qui a porté ses fruits car augmentant le taux d’audience dans les structures de santé dans ces localités.

Cette stratégie dénommée « l’école des maris » qui est un groupe d’hommes, volontaires sélectionnés sur la base de leur appartenance à une communauté, travaille, en étroite collaboration avec le personnel soignant. Les hommes suivent et accompagnent les femmes pour les consultations prénatales et post natales. Ils sont présents pour la vaccination des enfants mais aussi pour la planification familiale. Grâce au soutien des Affaires mondiales Canada en collaboration avec le Fonds des Nations pour la population (UNFPA) à travers le projet d’amélioration de la santé et du bien-être des femmes et des adolescentes des régions du sud du Sénégal, plusieurs « écoles des maris » ont été implantées dans la région de Tambacounda.

Le poste de santé de Pass Koto dans le district de Koumpentoum, abrite une « école des maris ». Composés de quinze maris modèles, ces derniers portent la sensibilisation au niveau de leur communauté, organisent des causeries et vont à la rencontre de leurs pairs réticents pour les amener à adhérer à la cause. « Il est important que les femmes restent en bonne santé et accouchent dans des endroits sécurisés. Et c’est le rôle du mari de s’impliquer pour lui offrir cette opportunité » a fait savoir le pair mari Waly Ndao.  Avec trois objectifs majeurs dont zéro décès maternel évitable, zéro besoin non satisfait en planification familiale, zéro violence basée sur le genre, les hommes sont en passe de le réussir dans des communautés qui abritent « des écoles des maris ».  Du côté du personnel soignant, l’infirmier-chef de poste de Pass Koto, Abdoulaye Diouf, a déclaré : « des améliorations ont été notées dans l’accouchement assisté, la planification familiale avec l’initiative « école des maris ». Les femmes fréquentent la structure et respectent les rendez-vous ».

Sédhiou garde ses maisons d’accueil pour femmes enceintes

Dans la commune de Sédhiou, une nouvelle stratégie dénommée « Ndiatiguia» a vu le jour. Il s’agit de placer des femmes enceintes en situation d’urgence sanitaire dans des familles. Une pratique qui permet de mieux suivre les malades qui, dans la majorité des cas, viennent des localités reculées, à des kilomètres de la capitale. Après consultation avec la sage-femme, si une femme enceinte présente des complications, elle doit être référée chez un gynécologue.  Pour cela, la femme en situation d’urgence doit être près du site afin d’éviter d’autres complications.

D’où, la nécessité de l’installer dans une famille d’accueil en attendant son accouchement. Si au début, ce sont les matrones qui jouaient ce rôle d’accueil sur la demande de la maitresse sage-femme, présentement, la communauté s’en est appropriée la stratégie et plusieurs femmes enceintes ont trouvé foyer auprès des bonnes volontés de la commune de Sédhiou qui veillent sur leur santé en étroite collaboration avec le personnel soignant. Une stratégie qui permet de lutter contre la mortalité maternelle et néonatale. Pour la maîtresse sage-femme à l’hôpital régional de Sédhiou, Oumy Thiam Diatta, pour lutter contre les décès maternels dans la zone de Sédhiou, des femmes enceintes avec des complications sont placées dans des familles d’accueil pour les rapprocher de la structure de prise en charge. « Nous avions constaté qu’en 2018, nous avions enregistré beaucoup de décès maternels et néonatals. Avec les matrones et les agents de santé communautaires, nous avons tenu une réunion pour trouver des stratégies de réduction de la mortalité maternelle », a déclaré Mme Diatta.

En 2021, au total 89 femmes enceintes ont été prises en charge à travers l’initiative « Ndiatiguia ». Pour la maitresse sage-femme, « elles ont accouché saines et sauves. Nous n’avons pas enregistré de décès maternels mais un seul décès néonatal ». Et de poursuivre : « pour le premier semestre de 2022, 59 femmes suivent le Ndiatiguia et aucun décès n’a été enregistré ».  Pour le personnel de santé de la structure sanitaire de Sédhiou, ces femmes viennent du district de Goudomp, de Boukiling et même de Sédhiou.

Pour Mamadou Diagne, « Ndiatigue » de la commune de Sédhiou, plus de 30 femmes enceintes ont trouvé accueil dans sa demeure. Si certaines y séjournent pour 72 heures, deux semaines ou même jusqu’à l’accouchement, le suivi de leur grossesse revient de sa responsabilité. Emma Mendy, une des bénéficiaires, salue l’initiative. A quelques semaines de son accouchement, placée dans une famille d’accueil chez Néné Guissé Ba, résidente au quartier Moricounda, elle a avancé : « quand je venais ici, j’avais vraiment mal. Présentement, je vais mieux, ma famille d’accueil s’occupe bien de moi. Elle m’accompagne pour mes consultations et je n’ai plus de problème à faire des kilomètres pour bénéficier des soins. Quand je me sens mal, la sage- femme vient me voir à domicile ».